VOUS AVEZ DIT « BIZARRE » ?

J’ai des idées bizarres !

Ça y est, je vous vois venir… Vous vous faites des films, c’est ça ? Eh bien non, je ne suis pas une prof extravagante, loufoque, ou même complètement folle (même si ça reste à prouver) ! En revanche, j’ai des idées, ça oui ! Bizarres ? Peut-être. Peut-être pas. À vous de juger !

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Il y a un peu plus d’un mois, je me vis confier la mission d’être professeur principal d’une classe de quatrième. Jusque là, rien d’étrange. Lorsque je les découvris le jour de la rentrée, je m’aperçus assez rapidement que cette mission allait demander beaucoup d’énergie et un sens de la communication bien affuté. En effet, j’avais là une classe à très grande majorité masculine et sportive (section oblige), une classe très dynamique et remuante.

Après une période d’observation et de réflexion nécessaire, je décidai d’agir, de mettre en place des dispositifs pour accompagner cette classe dans son année de quatrième. Classique, somme toute. J’avais déjà comme alliée mon binôme à la vie scolaire : une assistante d’éducation, véritable éducatrice, ainsi qu’une équipe réactive. Manquait le quatrième larron.

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C’est alors qu’une idée me vint. Enfin… pour être honnête, c’est alors qu’une vieille idée me revint. Vieille, pas tant que ça. Une collègue prof d’allemand l’avait déjà instillée l’année précédente. J’avais pour dessein de pouvoir développer une relation sincère et détendue avec les parents des élèves, pour créer un cadre éducatif cohésif, et peut-être calmer les choses.

C’est dans cet état d’esprit que j’arrive dans le bureau de la chef il y a quelques semaines, avec mon idée toute fraîche : « Madame, je souhaite organiser une réunion conviviale avec les parents de 4e.

– Qu’entendez-vous par « conviviale », Mme Vendrisse ?

– Une sorte d’apéritif avec les parents des élèves. Chacun apporte quelque chose. On discute dans une ambiance détendue…

– Vous avez des idées bizarres, Mme Vendrisse. »

Mais elle a adhéré.

S’en suit quand même un sondage auprès des collègues de l’équipe. Un temps de réflexion : « Est-ce une bonne idée ? Les parents vont-ils répondre présents ? Et si ça se déroule mal ? » Bref. Après quelques hésitations, et quelques incidents nouveaux en classe pour ma quatrième, l’équipe vote à majorité pour, et nous fixons la date.

C’était hier

Midi. Fin de mes cours. J’enchaîne avec une ESS à 13 heures. À 14 heures, me voilà partie faire quelques courses, avec l’aide d’une collègue (ironie du sort : celle-ci est aussi la mère d’un élève de ma classe). Une nappe bordeaux recouvrira les tables de la salle polyvalente, où doit se dérouler la réunion/apéro.

16 heures. Je peaufine mon discours, au cas où il faudrait vraiment faire un discours. Je ne veux surtout pas que cette réunion tourne à la prise de parole académique.

17h30. Mes collègues et moi préparons la salle. J’angoisse un peu. Cette réunion, c’est nouveau, c’est un bêta-test… Elles me détendent en me faisant rire, se moquent de moi.

17h50. Arrivée des premiers parents. J’essaye de les accueillir avec le sourire, je me présente. Je suis rassurée par les têtes connues.

Au début, ceux-ci ont un visage tendu, ils ne savent pas à quoi s’attendre. Madame la principale tente de les rassurer, en évoquant cette « bizarre idée ». Je ris mais je ne suis pas très à l’aise. Je propose rapidement de « boire un coup », avant de parler moi-même. Je mets une musique de fond. L’ambiance commence à se détendre, petit à petit.

Tous les parents ne sont pas présents, mais un bon nombre s’est déplacé. Certains pensaient à une « blague » (argument en faveur du caractère bizarre de l’idée), d’autres se demandent où ils sont tombés. Certains sont moins étonnés, ils me connaissent.

Au fur et à mesure de la soirée, et des prises de parole des uns et des autres, la confiance semble s’établir. Je fais mon fameux « discours », essayant d’oublier mes notes, d’être spontanée, sincère.

Finalement, autour d’un verre, d’un morceau de quiche, la magie opère. Les langues se délient, les rires francs fusent, les confidences viennent, sans rien forcer. Je suis rassurée. Le dialogue est là, palpable. J’apprécie enfin le moment.

Deux heures trente plus tard, la soirée se termine. Les derniers parents partent, certains ont le sourire aux lèvres, nous remercient pour cet agréable moment, lancent des « c’était une bonne idée ». Mes collègues et moi-même finissons de ranger cette salle polyvalente transformée pour une soirée en banquet.

En moi-même, je me dis que c’est peut-être le début de quelque chose, cette réunion… voire la fin de quelque chose, de certaines représentations erronées sur les profs, ou sur les parents. J’aime cette humanité.

J’aime quand les idées bizarres se changent en bonnes idées.

Une chronique de Marine Vendrisse