UN PROJET ENRICHISSANT

Monter une pièce de théâtre avec votre classe permet de travailler des compétences essentielles dans la transversalité : production d’écrits, lecture, arts mais aussi confiance en soi et respect des autres. Voici comment j’ai mené ce projet fédérateur avec une classe de CM1 dans un quartier sensible.

theatre-CM1

Tous les ans, j’apprécie de mettre en place avec mes élèves un projet commun mêlant diverses disciplines. Cependant, se lancer dans un projet quel qu’il soit, nécessite de se poser quelques questions essentielles. Le plus important est que ce dernier soit adapté aux élèves que nous avons.
Faire du théâtre avec ma classe m’a semblé intéressant pour plusieurs raisons :
· Donner l’occasion aux élèves de s’exprimer en dehors d’un cadre très restreint.
· Permettre une ouverture culturelle indéniable : notre école était située dans un quartier très populaire et culturellement pauvre.
· Faire le lien avec des structures locales : associations, troupes de théâtre.
· Fédérer la classe autour d’un projet artistique commun.
· Faire venir les parents à l’école pour la représentation de la pièce, beaucoup d’entre eux ont un rapport à l’école distant voire inexistant…

Et bien évidemment, d’un point de vue purement pédagogique, le projet théâtre est tellement riche qu’il peut s’inscrire dans la pluridisciplinarité : maîtrise de la langue, littérature, histoire (puisqu’en CM1 on fait les temps modernes donc impossible de ne pas évoquer notre cher Molière !), arts-visuels.

QUELQUES CONSEILS POUR DÉMARRER UN PROJET THÉÂTRAL

Le plus important est de rendre ce projet plaisant tout en gardant en tête les apprentissages.
Durant deux mois, nous avons fait de l’expression corporelle et des exercices de mise en voix à raison de deux séances par semaine. Ainsi les enfants ont appris à investir un espace, à se faire confiance mutuellement, à articuler, à se servir de leur corps et de leur voix pour faire passer des émotions.
Ces exercices sont un préalable indispensable si vous voulez vous lancer dans le théâtre avec vos élèves. Ils vont leur permettre de se sentir plus à l’aise avec leur corps, de découvrir ce qu’il peut exprimer, mais également de maîtriser sa place physique dans l’espace. Bien sûr, la liste est loin d’être exhaustive, il s’agit là d’une sélection des activités qui ont le mieux marché avec ma classe de CM1, la plupart de ces activités sont tirées d’ouvrages et trouvées sur le net (notamment chez Orphée).

EXERCICE 1 : LA MISE EN ROUTE COLLECTIVE

J’ai trouvé ce travail intéressant car il permet aux élèves les plus timides de participer tout en se fondant dans la masse, certains osent plus quand ils sont en groupe. Les élèves se répartissent dans la salle, et se déplacent en fonction de ce que l’enseignant dit. Le travail commence par une marche neutre, puis on fait varier :
· le rythme : très lent, rapide, petits pas, grands pas, etc.
· la façon de se déplacer : sur la pointe des pieds, en sautant, jambes à demi pliées, etc.
· les sentiments : colère, fatigue, joie, etc.
Puis vient une « histoire à vivre », l’enseignant raconte une histoire que chaque élève au sein du groupe doit vivre à la première personne, en la mimant sans bruit.
Exemple : Vous venez de vous réveiller d’une sieste, vous êtes très en retard. Vous prenez vite votre sac à dos, lacez vos chaussures et vous vous précipitez vers la porte. Une fois dehors, vous courez pour prendre votre bus…
Pour prolonger cette activité, les élèves peuvent inventer en classe d’autres histoires à jouer.

EXERCICE 2 : LE TRAVAIL EN DUO

Travailler à deux est rassurant et enrichissant. Ces exercices permettent à chaque élève de prendre conscience du corps de l’autre, et surtout de prêter attention au camarade.
La marionnette : le marionnettiste doit faire bouger les membres de son camarade en attrapant les fils imaginaires. Le pantin peut être par terre. Les gestes doivent être très lents afin que les fils restent toujours de même longueur.
Le sculpteur : un modèle, un sculpteur. Le sculpteur doit donner une forme au modèle.
Le miroir : les deux élèves sont face à face, l’un d’eux doit imiter l’autre. Très lentement pour faire les gestes les plus semblables. But : ne pas s’apercevoir qui dirige et qui est dirigé.

EXERCICE 3 : L’IMPROVISATION

On pourrait croire que c’est le plus difficile, mais les élèves les plus à l’aise ne sont pas forcément ceux que l’on croit. On peut avoir de véritables surprises. L’objet détourné : ici, on est dans l’improvisation purement gestuelle. L’enseignant choisit aléatoirement trois objets. À tour de rôle, chaque élève doit choisir un objet et le détourner de sa fonction, juste en mimant l’action.
Exemple : avec un double-décimètre, faire semblant de composer un numéro et de téléphoner.

La ronde de l’improvisation : les élèves forment une grande ronde. À tour de rôle, ils vont au centre de la ronde pour dire une phrase de leur choix, chaque partie de la phrase est associée à un geste. Exemple : Je vais à l’école en vélo.
Je vais (bras en l’air)
À l’école (mains sur les yeux)
En vélo (accroupi).

Improvisation classique : l’enseignant donne un sujet et les élèves doivent improviser (seuls ou à plusieurs en fonction de la consigne). Libre à eux d’interpréter le sujet comme ils le souhaitent, à condition de parler en articulant, avec une voix intelligible, en associant le ton et le geste au sujet donné.
Exemple : simuler une dispute avec son frère.
Concernant la mise en voix, les techniques utilisées lors des chorales sont aussi bien utiles !

ANCRER LE PROJET DANS LA RÉALITÉ CULTURELLE DE SA VILLE

Pour donner encore plus de sens à cette activité, nous sommes allés voir deux pièces de théâtre d’une troupe locale. Cette même troupe est également venue à l’école pour initier les élèves au travail de l’improvisation.
Et notre pièce dans tout ça ?

L’idéal est de faire écrire leur propre pièce aux élèves. Mais faute de temps, nous avons préféré prendre une pièce d’auteur.
Difficile d’en trouver une avec assez de rôles pour faire jouer tous les enfants.
Néanmoins il en existe ! Mais il faut bien les chercher ! Pour ma part, je cherché sur le site « Ricochet » et j’ai écumé la liste de toutes les pièces à destination des 8-12 ans. Notre choix s’est porté sur « La manifestation » de Grégoire Kocjan qui raconte le désarroi (relatif) d’une classe qui découvre un beau matin qu’il n’y a plus d’école. Nous avons recherché la dimension humoristique mais il est tout à fait possible de lier le théâtre à l’histoire ou l’éducation civique et morale.

Ce travail de préparation aura duré 5 mois au terme desquels nous avons fait 3 représentations à l’école : pour les élèves des autres classes et pour les parents du groupe scolaire. Ce fut un réel succès ! Les élèves se sont dépassés et les parents ont pu découvrir à cette occasion l’école dans laquelle ils ne rentraient jamais et l’aboutissement de notre travail. Pour certains, c’était la première fois qu’ils assistaient à une pièce de théâtre et ce fut celle jouée par leurs propres enfants… Un projet qui a donc pris tout son sens !

UNE CHRONIQUE DE CÉLINE P.